Aujourd’hui, parmi les nombreux défis auxquels sont confrontés les dirigeants, l’épuisement professionnel reste l’un des plus préoccupants et persistants. Ce phénomène ne se limite pas à une seule dimension : certains le vivent physiquement, d’autres émotionnellement, mentalement, voire spirituellement. Pourtant, malgré ses multiples formes, le burn-out présente souvent des symptômes communs : une baisse de concentration, un sentiment d’accablement face au travail et un désengagement progressif.
Selon le récent rapport State of the Global Workplace de Gallup, l’engagement des employés a reculé de deux points de pourcentage en 2024. Si cette baisse peut sembler modeste, elle se traduit par une perte mondiale de productivité estimée à 438 milliards de dollars. Démissions silencieuses, moral en berne et stress croissant, alimenté par les incertitudes liées au travail, sont désormais le quotidien de nombreuses entreprises.
Face à ces défis, plusieurs dirigeants révisent leurs avantages sociaux, ajustent les charges de travail ou renforcent la formation des cadres. Pourtant, un facteur souvent ignoré reste l’espace de travail physique lui-même. Pour Ann Hoffman, directrice des stratégies sur le lieu de travail chez FCA, un levier essentiel contre l’épuisement professionnel réside dans ce qu’elle appelle le « réglage de l’environnement ». Selon elle, le burn-out prend racine dans le cerveau, et recourir à un design basé sur les neurosciences constitue une approche efficace pour préserver la performance et freiner le déclin des employés.
Conception du bureau : un levier crucial pour lutter contre l’épuisement professionnel et booster la productivité
Les dirigeants devraient envisager le bureau comme un second système nerveux, émettant en permanence des signaux, parfois subtils, parfois évidents, qui informent les employés sur leur sentiment de sécurité, de reconnaissance, de soutien ou d’invisibilité. Pourtant, l’aménagement des espaces de travail reste souvent une réflexion tardive, centrée sur des considérations logistiques plutôt que sur des facteurs biologiques.
Beaucoup d’entreprises optimisent leurs plans sans s’interroger sur l’impact de l’environnement sur l’attention, la mémoire, l’humeur ou la gestion du stress. C’est une opportunité manquée. Comme le souligne Ann Hoffman : « Pour vos collaborateurs, l’espace de travail est bien plus qu’un lieu : c’est un environnement qui façonne leur quotidien. Chaque détail — lumière, agencement, acoustique, couleurs, sensation de contrôle — influence leur manière de penser, de ressentir et de s’engager. »
Les jeunes générations y sont particulièrement attentives : pour elles, le design et le bien-être ne sont plus des bonus, mais des prérequis. « Elles les exigent », observe Mme Hoffman. « Les générations précédentes peuvent en être étonnées, mais elles en bénéficient tout autant. »
Le design ne se limite pas à l’esthétique d’un espace. Il touche avant tout à son usage, à ce que l’on ressent quand on y mobilise pleinement ses capacités mentales. Pensé intelligemment, il devient un levier stratégique : il renforce l’engagement, la fidélité, le bien-être — et même la performance — sans qu’il soit nécessaire de changer d’outil ou d’augmenter les budgets.
Comment la conception du bureau peut aider à prévenir l’épuisement professionnel
Alors que de nombreuses entreprises rappellent leurs équipes au bureau, l’aménagement des espaces de travail redevient un enjeu central. Si les initiatives en faveur du bien-être se multiplient, les bureaux véritablement pensés pour soutenir l’humain restent encore l’exception. Dans un contexte où fidéliser les talents devient un défi et susciter l’engagement un effort constant, une question s’impose : « Que dit notre environnement à ceux qui y travaillent chaque jour ? »
Voici quatre pistes concrètes pour faire du design un allié stratégique :
Commencez par un audit : « Conserver, jeter, créer »
Avant de transformer un espace, il faut le comprendre. Comme en médecine, mieux vaut diagnostiquer avant de prescrire. Plutôt que de suivre les dernières tendances ou de tout refaire à zéro, les entreprises ont tout intérêt à commencer par trois questions simples :
- Qu’est-ce qui fonctionne et mérite d’être conservé ?
- Qu’est-ce qui ne correspond plus à notre façon de travailler ?
- Qu’est-ce qui nous manque et que nous aimerions créer ?
« Nous faisons systématiquement cet exercice avec nos clients », explique Mme Hoffman. « Parfois, les réponses révèlent de vrais enjeux. D’autres fois, il s’agit simplement d’un meilleur café. Mais dans tous les cas, cela ouvre un dialogue sincère — bien plus riche qu’un sondage standard — et pose les bases d’un aménagement vraiment aligné avec la culture de l’entreprise. »
Misez sur l’autonomie plutôt que sur l’uniformité
L’épuisement professionnel ne vient pas uniquement d’un trop-plein de tâches. Il peut aussi naître d’un environnement qui bride l’individu. Offrir du choix, même à petite échelle, change la donne. Une lampe orientable, un bureau assis-debout, un espace de repos : autant d’éléments qui renforcent le sentiment de contrôle.
« L’un des rares leviers que je peux vraiment activer, en tant que designer, c’est l’autonomie », souligne Mme Hoffman. « Même si vous ne touchez jamais à la hauteur de votre bureau, le simple fait de savoir que vous le pouvez envoie un message clair : votre confort compte. »
L’autonomie ne relève pas uniquement du management — elle s’inscrit aussi dans la façon dont les espaces sont pensés et vécus.
Concevez les espaces selon les besoins cognitifs, au-delà de leur simple esthétique
Toutes les tâches ne mobilisent pas le cerveau de la même manière. Concentration, créativité, échanges informels : chacune demande un cadre différent. Pourtant, beaucoup de bureaux restent figés dans une approche uniforme, comme si un seul type d’espace pouvait tout faire.
« Des textures douces invitent au calme et à la concentration, tandis que des couleurs vives stimulent l’énergie et favorisent les interactions sociales », explique Mme Hoffman. « Ces réactions sont souvent inconscientes, c’est pourquoi je m’appuie sur les neurosciences plutôt que sur de simples impressions d’utilisateurs. »
Partez du résultat recherché — clarté d’esprit, créativité, collaboration — puis construisez l’environnement en conséquence. Le design devient alors un outil d’alignement entre l’espace et les besoins cognitifs.
Exploitez la biophilie pour recharger naturellement le cerveau
La nature a un pouvoir apaisant sur notre système nerveux tout en boostant la productivité. Si l’idéal reste d’être directement exposé à l’extérieur, les environnements naturels reconstitués, qu’ils soient physiques ou virtuels, peuvent aussi produire des effets remarquables.
Une étude de Harvard, menée par Jie Yin, montre que les participants évoluant dans des espaces biophiliques intérieurs ont bénéficié :
- D’une baisse de la tension artérielle et des marqueurs de stress
- D’une amélioration de la mémoire à court terme
- D’une créativité accrue et une récupération plus rapide de la fatigue mentale
« Il n’est pas nécessaire d’avoir un arbre dans le hall d’accueil », explique Mme Hoffman. « Même une cheminée, un bassin d’eau ou une simple photo de forêt peuvent aider à régénérer le cerveau. »
Le design, une réponse stratégique contre l’épuisement professionnel
L’épuisement professionnel reste souvent invisible, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Pour le combattre, il ne suffit pas d’ajouter quelques avantages ou de revoir les politiques internes. Ce qui compte, c’est l’environnement quotidien de vos collaborateurs. Le lieu de travail physique s’impose de plus en plus comme un élément clé de la culture d’entreprise et de la rémunération moderne.
« Si les dirigeants veulent renforcer la résilience et obtenir des résultats durables, le lieu de travail doit devenir un pilier de leur stratégie bien-être », affirme Mme Hoffman.
Les études le confirment. Une recherche publiée dans Procedia – Social and Behavioral Sciences montre que l’aménagement des bureaux influence profondément les performances. L’éclairage, les plantes, la disposition des espaces et les matériaux utilisés modifient la façon dont les employés pensent et ressentent leur travail.
Dans ce contexte, laisser l’environnement au hasard n’est plus une option. « Aujourd’hui, nous ne concevons plus seulement des espaces, mais des expériences », explique Mme Hoffman. « Et dans un marché des talents ultra-concurrentiel, où l’épuisement professionnel est partout, cette expérience pourrait bien être votre atout le plus sous-estimé. »
Une contribution de Julian Hayes II pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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